Comme toutes nos connaissances, les notions scientifiques auxquelles nous croyons proviennent de deux sources : d’une part de notre expérience ( ce que nous avons pu constater par nous-mêmes ), d’autre part des informations que nous avons reçues ( communication orale, textes lus, documents audiovisuels…)
Bien sûr, ces notions ne correspondent pas toujours à la réalité. D’abord parce que notre observation n’est pas forcément fiable, ou parce que les conclusions que nous en tirons sont erronées, ou bien parce que notre source de renseignements était fausse, ou encore parce que nous avons mal interprété ce que nous avons lu, vu ou entendu.
Pourtant, nous avons énormément de difficultés pour remettre en cause nos propres connaissances.

La lecture de textes à caractère scientifique

Elle pose souvent problème, car on aborde rarement un sujet totalement nouveau. On devrait donc faire un aller et retour continuel entre les informations qu’on reçoit et celles qu’on possède en mémoire. Mais parce qu’on a une tendance naturelle à résister à toute nouveauté qui bouleverse nos propres idées, on lit sans trop chercher à analyser, on minimise les divergences, allant jusqu’à penser que l’auteur s’exprime mal ou se trompe, ou qu’on n’a pas dû tout comprendre…

Un exemple :

Un enfant lit un texte très accessible sur la lumière du soleil, en particulier ce passage : « …Si les nuages éclairés par le soleil paraissent blancs, c’est que la lumière du soleil est blanche… »
Si quelques semaines plus tard on lui pose la question : « Quelle est la couleur du soleil ? », la plupart du temps il répond  » jaune « , parce qu’il y a des années qu’il le  » voit  » et le représente ainsi. En lisant, il n’a donc pas fait la confrontation entre les informations reçues et son propre savoir, et n’a pas modifié ses croyances, même contradictoires avec ce qu’il a lu.
L’observation ( une feuille blanche placée au soleil ) serait plus efficace que les mots, les manipulations ou le recours aux moyens audiovisuels aussi, sans doute, mais le problème n’est pas résolu pour autant : améliorer l’efficacité de la « lecture-dialogue », la « lecture-réflexion ».

Le fichier

Puisqu’il s’agit de combattre les idées reçues, on a choisi d’élaborer un fichier autour de sujets bien connus ( mais au sujet desquels on rencontre beaucoup d’idées fausses ! ) Puisqu’on veut travailler sur le problème de la lecture, on a exclu l’emploi de photos ou de dessins. Et pour que les enfants soient amenés à confronter réellement ce qu’ils pensent et les informations qu’ils vont recevoir, il leur est demandé de faire d’abord le point de leurs connaissances dans un domaine particulier, et de les noter, avant de lire la fiche choisie.
Le travail est, au départ, un peu déroutant. C’est la première fois qu’on demande à l’enfant de répondre avant d’étudier ! Mais pour lui cela devient vite un jeu qui consiste à savoir « si on le savait avant de le lire ». D’autre part, il y a souvent, lors de la lecture de la fiche ou de la comparaison avec les réponses écrites, des moments de protestations, de discussions, de recherches de renseignements dans d’autres documents, qui sont très bénéfiques pour instaurer l’habitude de ne pas accepter ce qui est écrit sans jugement par rapport à ce que l’on croit. (Comme on aimerait que les adultes fassent la même chose quand ils lisent un texte scientifique, mais aussi politique ou économique !)

Comment utiliser le fichier ?
  • Chaque enfant a un livret individuel, avec la liste des fiches. Quand un des sujets l’intéresse, il répond aux questions de la rubrique  » Je crois « .
  • Ensuite seulement, il va chercher la fiche correspondante et la lit. Si à la lecture quelque chose le choque, lui paraît faux ou impossible, il a bien sûr intérêt à vérifier auprès d’un copain, du maître, ou en consultant d’autres sources.
  • Il reprend son livret individuel et répond à nouveau aux questions, dans la rubrique  » J’ai lu « . À chaque fois où ses réponses ont changé, il note à l’endroit prévu le numéro du paragraphe qui l’a amené à changer d’avis.
  • Le maître pourra alors vérifier que l’erreur a bien été corrigée après un réel travail de réflexion.
Autre forme d’utilisation

Dans certaines classes, chaque enfant est « détenteur » d’un ou deux des textes du fichier (ceux qu’il a été le premier à faire en début d’année). Un tableau affiché précise, avec les titres des fiches, le nom du détenteur de chacune.
L’enfant qui veut faire une des fiches répond aux questions sur son livret, puis il va auprès du « détenteur », qui vérifie que la partie « Je crois » a bien été remplie, et lui remet la fiche correspondante. Après lecture et correction, c’est encore le « détenteur » qui vérifiera l’ensemble du travail.
Outre un fonctionnement coopératif et une implication plus grande des élèves, une telle organisation produit des moments de discussion (donc de lecture) très intéressants entre correcteur et corrigé.

Deux remarques encore

Le nom du fichier « Lecture-Sciences », n’est pas anodin : si bien sûr un de ses buts est de rectifier certaines croyances courantes chez les enfants, c’est aussi et surtout de leur faire acquérir une autre forme de lecture : on ne lit pas un texte d’information comme un conte ou un poème !

Si ce fichier a rencontré un accueil très favorable de la plupart des collègues, c’est qu’ils ont vu tout de suite le rapport avec le travail proposé en sciences par l’équipe de Pierre Guérin « …s’appuyer sur les représentations mentales des enfants… »