Quand l’enseignant qui souhaite faire pratiquer l’expression libre dans sa classe dit aux enfants : « Allez-y, vous êtes libres, racontez ce que vous voulez… », il s’aperçoit très vite que ce n’est pas si simple !
Le constat est alors souvent : « Ils n’ont rien à dire. » On devrait d’ailleurs affirmer plutôt : « Ils n’ont rien à écrire ! » Car les enfants, même si certains le font avec quelques difficultés, parlent tous, et tout le temps. Ce n’est pas parce qu’on leur en donne la possibilité, mais bien parce qu’ils en tirent du plaisir, parce qu’ils en éprouvent la nécessité. Écrire est hélas bien moins vital ! Ça ne leur semble pas être une priorité.
Un enfant qui écrit à notre demande, c’est forcément sans réel intérêt : il raconte le match de foot avec les copains, la promenade avec le chien, ou fait docilement la description « poétique » du beau jardin en fleurs.
C’est évidemment assez décourageant, même pour les maîtres qui ont déjà pratiqué l’expression libre auparavant, avec d’autres classes, et qui savent bien que d’une part ce n’est qu’une première étape, et que d’autre part le texte libre banal peut se révéler beaucoup plus important qu’il n’y paraît (voir ce qu’en dit Paul Le Bohec).
Qu’est-ce qui fait évoluer le contenu et la forme des textes ?
Dans une classe où les écrits sont nombreux, où on les présente aux autres, où on en parle, où ils sont publiés, envoyés… la production va bien sûr se diversifier, devenir plus riche et plus authentique. Cela se fera sous l’influence des livres lus, des échanges avec les correspondants, des journaux reçus ou consultés sur des sites d’écoles, des poèmes appris, des activités théâtrales, des débats qui auront eu lieu, bref dans l’interaction entre les enfants et le groupe classe, avec tout ce que cela suppose comme imitations, modes plus ou moins durables, innovations…
Et pourquoi pas un fichier ?
Il y a des enfants qui savent parfaitement ce qu’ils veulent raconter, et sous quelle forme. Il y a ceux qui auraient bien envie d’écrire, mais qui ne savent pas trop quoi. Et puis, il y a ceux qui n’en éprouvent aucune envie. Il ne faut guère espérer communiquer l’enthousiasme qui manque à certains, ni enrichir la production de tous en proposant simplement des sujets divers et bien choisis.
Le fichier I.R.E. Français va plus loin. Il montre que tout peut s’écrire, et s’écrire sous toutes sortes de formes. C’est amusant, tous ces « jeux de mots », « jeux sur les mots », « jeux avec les mots »… Et c’est très incitateur ! Certains font réfléchir, rêver, réagir, d’autres font rire.
Comment utiliser le fichier
Il est placé en permanence à disposition et peut être à tout moment consulté… Il importe peu que l’enfant, au moment où il prend une feuille pour écrire, ait trouvé l’idée en voyant le texte d’un copain affiché au mur, ou à la suite d’un débat, ou en entendant un poème, ou bien dans une fiche. L’important est ce qu’il va produire ensuite.
Deux sortes de fiches sont proposées :
- Celles où une idée de départ se développe sur quelques exemples : bouts rimés, phrases avec lesquelles on joue à inverser le sujet et le complément, mots-valises, marabout… bout d’ficelle, phrases commençant par « Si j’étais… ». Il suffit d’en inventer d’autres, de la même veine, et les phrases s’enchaînent, comme si on déroulait une pelote de ficelle.
- Celles qui présentent une idée originale, qu’on peut démarquer pour créer un autre texte : Qui suis-je ? (texte devinette), conjugaisons détournées (avec une chute à la dernière ligne), un mot pour un autre… Le verso de chaque fiche développe l’idée ou la reprend sous un aspect, sous une forme un peu différente. Il incite à trouver d’autres variations : » Si, au lieu de ce point de départ, je prenais celui-ci, qu’est-ce que ça donnerait ? «
Et ça évolue…
Très vite, ce qui n’était qu’un jeu plus ou moins gratuit, écrire pour écrire, va le plus souvent évoluer, à la faveur des discussions qui ont lieu lors de la présentation aux autres. Et on se rendra compte qu’il passe souvent beaucoup de l’enfant dans le conte, le poème, la comptine, le jeu sur la langue, au départ si anodins. La part du maître sera d’encourager l’enfant à développer son idée, à creuser le texte, à le reprendre pour arriver à une expression plus personnelle.
Autre utilisation
Quelquefois, c’est au niveau de l’ensemble de la classe que l’enseignant souhaite intervenir. Le fichier sera utilisé comme déclencheur, pour passer à autre chose, quand le nombre ou l’intérêt des textes présentés en classe sont en baisse. La technique des ateliers d’écriture est bien connue, l’avantage du fichier est d’apporter des idées « prêtes à l’emploi ».
À un moment de travail collectif, on étale les fiches sur les tables, on choisit, on discute, on propose. Chacun va travailler à partir d’une fiche qui lui a plu et, au fur et à mesure des productions de chacun, on présente, on commente…
Ou bien le maître a envie de travailler sur un type d’écrit particulier, et il propose au tableau un recto de fiche à partir duquel on joue » Variations sur une thème donné « , quitte à introduire une consigne nouvelle. Il pourra pour ce faire s’appuyer sur les livrets qui lui sont réservés et qui présentent des listes de sujets possibles et des exemples d’évolution vers des créations abouties plus élaborées.
Compléter le fichier
Quand un enfant a innové en présentant à la classe un texte dont la forme est vraiment originale, il est intéressant (et très valorisant pour lui ) d’intégrer son texte, présenté sous la même forme que les autres, dans le fichier de la classe ( avec pourquoi pas, au verso, d’autres variations sur la même idée).